Old men and motorbikes

Les choses changent…

Il y a dix ans, vous pouviez traverser tous les jours la ville à pieds pour aller chercher votre vieux coupé orange. Assis à même le sol sur un bout de mousse usé, rien ne vous semblait plus sensationnel que les vibrations de ce vieux quatre cylindres s’époumonant à pomper autant d’huile que d’essence tandis que vous enchainiez les rapports sur cette boite à l’embrayage déclinant. Vous n’étiez pas davantage reluctants à traverser la France sur une vieille PX 125 équipés d’une veste militaire et d’un sac Eastpak.

Aujourd’hui, le coupé n’est plus et la Vespa prend la poussière dans un garage: vous vous êtes ramollis. Il est désormais difficile d’appréhender l’hiver sans un habitacle isolé du bruit extérieur, confortablement lovés dans vos sièges chauffants en cuir.

Et cet habitacle chaud et ouaté vous manque encore plus maintenant que vous êtes affublés de gants jaunes – parceque c’est la mode -, de votre veste de moto en coton ciré – qui fond quand il fait trop chaud – et de votre casque intégral japonais totalement inutilisable mais tellement stylé. Vous regardez le plateau moto que le soleil du matin peine à éclairer. Après avoir roulé en deux roues pendant presque 25 ans, vous vous êtes décidés à passer les épreuves du permis moto.

Fiers, vous ne l’êtes pas du tout. Qu’est ce que vous avez pu rire de ces vieux comptables de noir vêtus, parés du blason HOG, avachis sur leurs machines vibrantes et coincés dans les embouteillages. Aujourd’hui, c’est vous ce fichu quarantenaire bedonnant qui tente de se prouver quelque chose. Bientôt, vous aurez le cuir tanné et arborerez des centaines de petits bracelets de pierres merdiques sur le poignet en vous pavanant sur une terrasse de café, votre machine rutilante garée de l’autre côté du trottoir.

Et comme une humiliation n’arrive pas toute seule, il va d’abord falloir maîtriser la « fougueuse » Honda CB 500 bariolée de l’école. Diable, par rapport à une Vespa, ce truc freine et accélère beaucoup trop! De loin vous ressemblez à une grenouille perchée sur une bouteille de Coca-cola farcie aux Mentos. Et avec ce machin, vous allez devoir apprendre et réaliser toute un série d’épreuves auxquelles vous n’avez pas été confrontés depuis plus de 20 ans.

Quoi? 50 kilomètres heure la dedans? Mais jamais je roulerais aussi vite moi!

Vous choisissez cependant d’agir avec bon sens: si on vous dit que c’est faisable, vous pouvez le faire aussi. Vous êtes arrivés jusqu’ici, vous ne pouvez plus laisser tomber. Il n’est même plus question de défi personnel, vous avez seriné tout votre entourage avec cette histoire de permis, vendu votre Vespa, acheté des tonnes de matériel, ce n’est quand même pas pour finir sur un Dax?! Même les vieux du HOG on réussi. Alors, reprenez vous en main, poussez sur ce fichu guidon et évitez moi ce cône orange comme s’il s’agissait de votre première Seiko.
L’interêt de toutes ses manoeuvres vous sera confirmé plus tard: une moto, c’est bel et bien dangereux. Vous êtes invisibles à la plupart des automobilistes et le moindre caillou tombé sur la route peut vous envoyer à l’hôpital pour plusieurs mois.

Choisir une Moto A2

Si vous êtes anormalement constitués, comme nous tous, c’est le première chose que vous avez faite après avoir cliqué sur le boutons envoyer de votre boite mail: chercher une moto COOL. Malheureusement, le choix est assez limité si vous souhaitez rester dans un budget correct. L’homologation A2 impose un plafond de puissance à 47,5 chevaux pour les motos produites après 2012 (et équipées d’un ABS) et 34 chevaux avant 2012. Tout ce qui est un peu rétro (SR400, Bonneville, Tiger, Daytona, CB450 et autres) sont légèrement au dessus et impossibles à brider.

Nous aurions pu faire l’étalage ici de tous les modèles en A2, ça fait du clic. Mais, d’une part, nous n’avons pas tout essayé et, d’autre part, le choix d’une moto est très personnel. La position, le caractère, le comportement, tout est extrêmement différent d’un modèle à l’autre. Le seul conseil que nous avons à donner ici, est de ne pas se presser. De profiter des salons à l’arrivée de l’été pour faire un maximum d’essais avant de se décider.
C’est exactement ce que je n’ai pas fait: A peine passées quelques heures de plateau, j’ai vendu ma vieille Vespa et acheté une Royal Enfield Interceptor, sans même l’avoir essayée. J’ai toujours dans le coin de ma mémoire cette vieille CB500 four qui trainait au fond du garage. Et je retrouve un peu de cette CB dans mon Interceptor. Ses proportions sont plus justes que celles des Triumph. Et elle fait un peu moins pataude que la W800.

Notez, au passage, la qualité de la mise au point sur la porte du garage DERRIERE la moto.

Petit aparté, sur l’interceptor, du coup. Ce que l’on peut lire ici est là est vrai: Quelques éléments sont assez cheap (comodos, pédales, poignées de frein). D’autres, étonnamment qualitatifs: Les jantes à rayons sont en alu poli, les soudures du cadre sont relativement soignées, presque tout est métallique (ce qui explique les 210 kgs).
Une fois en selle, la machine est haute. Les pilots de moins d’un mètre quatre-vingt cinq y seront très à l’aise, en étant étonnamment penchés vers l’avant, presque comme sur un café racer.
Le moteur fait un bruit réellement intoxicant. C’est rageur, ça grogne, ça cliquette, c’est un vrai régal. La poignée des gaz est très régulière, permettant au mieux d’exploiter la souplesse de la mécanique. Enfin, la boite est un régal de précision. Pas de faux point mort, pas d’approximation, en quelques tours de roues, vous êtes en pleine maîtrise du petit bitoniau.
Enfin, il y’a le châssis. Le grand guidon et l’angle de chasse fermé donnent un bon dynamisme à faible allure. Les petits pneus et les suspensions souples enlèvent de la confiance à grosse vitesse. Son domaine préféré se trouve donc entre le péri-urbain et les petites routes de campagne, sur un rythme de balade rapide. Dans la totale continuité de l’esprit vintage de la machine, on retrouve davantage le caractère d’une MGB des années 60 que celui d’une Mazda MX5 ND.

Vieux motard…

Alors oui, papier rose en poche, carte grise en main, vous allez ergoter longtemps sur la praticité de l’engin: Il faut en moyenne 4 heures pour vous équiper d’une armure qui pèse vingt kilos et annihile toute forme de souplesse articulaire. Le tout pour promener 200 kilos d’acier chauffés à blanc, incapables de transporter quelque chose qui ne tienne pas dans une poche, y compris une quantité acceptable de carburant. Comme véhicule à proprement parler, la moto est nulle, elle n’arrive même pas à la cheville d’un scooter. Tenez, pour rappel, la dernière voiture de route équipée d’une transmission finale par chaine a quitté les usines Honda en 1966.

Mais, pour l’amateur de mécanique, il s’agit d’un moteur caractériel sommairement relié à deux roues avec au milieu quelques tubes de fer afin de vous donner une sorte de contrôle.
Et du contrôle, il vous en faut: le moindre petit caillou, la moindre plaque d’égout vous mettra à terre. Il faut tout anticiper, agir simultanément sur diverses commandes placées ça et là afin de dompter ce tumultueux moteur qui ne vibre que pour vous projeter dans le virage le plus proche. Tout s’efface dans votre esprit pour faire place à votre corps, votre environnement et ce moteur qui pétarade sous votre ventre. On retrouve presque les sensations que l’on éprouve en Surf ou en Skate. Et c’est la que cela devient une drogue.

S’habiller devient un rituel agréable. Faire chauffer la moto, préparer la sortie un moment de concentration avant le tumulte. Puis, il y’a la route, qui devient une micro aventure, un voyage, une épopée. La quarantaine déclinant, vous avez laissé beaucoup de place aux routines dans votre quotidien. La moto est rapidement devenue cette nouvelle sortie de route, qui permet de se poser, de s’échapper.